Je voulais te parler de mes appréhensions concernant Avignon cette année. Tu sais que je tiens (peut-être plus encore qu’au TNP) à ce berceau. Et ce n’est pas la consécration officielle du TNP qui me fera oublier les bonnes pratiques théâtrales de là-bas.
Lettre de Jean Vilar à Gérard Philipe, 17 mai 1952
Le 6ème Festival (15-25 juillet 1952) est le premier que coorganise le TNP avec le Comité d’Avignon.
Grâce à ses moyens techniques et humains considérables, il contribue à son développement. Désormais, et chaque été jusqu’en 1963, le Festival se confond avec lui, dans une quinzaine de représentations. Une ou deux créations avignonnaises sont reprises l’hiver suivant à Chaillot – exceptions faites en 1954, avec Cinna créé au Festival Corneille de Rouen, et en 1963, avec les reprises de Thomas More, La Guerre de Troie n’aura pas lieu et L’Avare.
Dès lors la comparaison est faite entre le plein air avignonnais et le confinement parisien. Avignon devient pour la troupe le lieu de ressourcement idéal, après une saison passée à Chaillot ou en tournée. Les retrouvailles avec la ville, ses habitants, son soleil, ses rues, entretiennent les liens au sein d’une troupe jeune et conviviale. Cette sociabilité avignonnaise est essentielle aux yeux de Vilar : elle donne son ambiance « bon enfant » au Festival et place le théâtre à proximité immédiate des habitants.
Mais Avignon c’est aussi tout le stress et la fatigue accumulés tout au long de l’hiver. D’où les problèmes de santé que peut connaître Vilar à ce moment précis de la saison. Foudroyé par son ulcère, il entre en clinique le 2 juin 1952. Il confie alors la mise en scène de Lorenzaccio à Gérard Philipe, dans la Cour d’honneur. Les spectateurs le voient toutefois assurer sur scène les reprises du Prince de Hombourg dans la Cour et de L’Avare dans le Verger.