Pourquoi Don Juan?
Parce qu’il est le héros moderne. Parce qu’il pose clairement à l’égard d’un public populaire des questions fondamentales en ce qui concerne les rapports du père et du fils, du mari et de l’épouse. Je ne dis pas que ces réponses soient bonnes et à suivre. Enfin, c’est une des rares pièces françaises qui posent courageusement et sans faiblesse le problème de l’au-delà. Il faudrait jouer Don Juan tous les ans.
Réponse de Vilar à un questionnaire, novembre 1963
En 1944, trois ans avant Louis Jouvet, Jean Vilar avait déjà présenté son Don Juan au Théâtre La Bruyère à Paris, dans le cadre de la Compagnie des Sept. Le 15 juillet 1953, la pièce ouvre le 7e Festival d’Avignon. Daniel Sorano joue à ses côtés le rôle de Sganarelle.
Vilar crée un Don Juan bavard, enjôleur, typiquement français, qui séduit les belles. Il en fait un homme plus victime de lui-même que ses victimes ne le sont de lui. Il lui prête la voix et les attitudes d’un grand seigneur, qu’un feu intérieur consume.
Vilar et Léon Gischia misent sur un décor radicalement dépouillé : un tabouret, une table, trois chaises, et c’est tout. La forêt et le tombeau de marbre sont réduits aux rayons obliques et verticaux des lumières de Pierre Saveron qui fusent des cintres.
Lors du Festival de l’Eure, en 1954, la statue du Commandeur, interprétée par Philippe Noiret, apparaît à une fenêtre du château de Baumesnil, donnant à la scène un surplus de fantastique.
Don Juan reçoit le premier « Prix Molière », fondé en 1954, et destiné à récompenser « le meilleur spectacle de l’année ». Au deuxième tour, il l’emporte face à Un nommé Judas de Claude-André Puget et à Christophe Colomb de Paul Claudel. Le prix consiste en un buste de Molière en biscuit de Sèvres. Il est remis à Vilar, le 23 janvier 1955, à la fin de la première de Macbeth à Chaillot.
La pièce est jouée jusqu’en 1958, dans 23 pays et sur 77 lieux scéniques. Avec 233 représentations et 371 399 spectateurs, Don Juan est le plus gros succès du TNP.
– Don Juan
De Molière (1665)
Création le 15 juillet 1953, Cour d’honneur du Palais des Papes d’Avignon
Mise en scène Jean Vilar
Scénographie Camille Demangeat, Léon Gischia
Costumes Léon Gischia
Lumières Pierre Saveron
Musique Maurice Jarre
Réalisation des costumes Alyette Samazeuilh
Régie générale René Besson
Avec Zanie Campan (Charlotte), Monique Chaumette (Elvire), Maurice Coussonneau (La Violette), Jean-Darras (Pierrot), Michel Bouquet (Pierrot), Jean Deschamps (Don Carlos), Christiane Minazzoli (Mathurine), Roger Mollien (Don Alonse), Jean-Paul Moulinot (Monsieur Dimanche), Philippe Noiret (la statue du Commandeur/La Ramée), Georges Riquier (Francisque), Jean Pierre Darras (Francisque), Georges Ruquier (Gusman), Guy Provost (Gusman), André Schlesser (Ragotin), Daniel Sorano (Sganarelle), Jean Vilar (Don Juan) et Georges Wilson (Don Luis).
233 représentations, 371 399 spectateurs (1953-1958)