Ce n’est pas en quelques lignes que l’on peut livrer ses impressions profondes sur un voyage aussi important. Disons tout de suite que l’accueil fait au TNP à Moscou et à Léningrad, fut considérable. Il restera pour nous un souvenir émouvant et réconfortant. Et nous ne savions comment répondre à tous ces témoignages de compréhension et d’affection.
Jean Vilar, 30 septembre 1956
Avant l’ouverture de la saison 1956-1957 à Chaillot, le TNP effectue une tournée – 13 septembre-26 octobre – en URSS et en Scandinavie – Finlande, Danemark, Norvège.
Lors de ces longs déplacements à l’étranger, les membre du TNP doivent enchaîner les répétitions, les représentations données par la troupe et les artistes locaux, les visites officielles et les rencontres. À ce rythme rapide s’ajoutent les différences de climat, de lieu et de nourriture qui pèsent sur les femmes et les hommes et risquent d’altérer leur jeu scénique.
Pour faciliter le séjour de la troupe, Jean Rouvet et ses collaborateurs sont en charge de la préparation – achat des billets de transport, vérification des passeports et des visas, réservation de l’hébergement et convoyage du matériel –, puis de l’organisation sur place – les menus décidés la veille. L’arrivée à Moscou se fait par avion, le transport dans la ville par bus et le trajet jusqu’à Léningrad par wagons-lits.
Le TNP donne 22 représentations au Théâtre Maly de Moscou et 7 représentations au Théâtre Pouchkine de Léningrad, deux salles de 1 200 et 2 200 places. L’enthousiasme des 35 000 spectateurs pour Don Juan, Le Triomphe de l’amour et Marie Tudor s’exprime à travers les douze à quinze minutes de rappels qui ponctuent chaque représentation et les nombreux cadeaux reçus par les comédiennes et les comédiens.
Au cours d’entretiens avec le public soviétique, le TNP prend conscience que le nom de Marivaux – dont aucune pièce n’a été traduite en russe – est ignoré du grand public, ce qui montre bien la mission qui lui incombe lors de ces tournées à l’étranger.
Le public et les hommes de théâtre soviétiques, rencontrés par exemple dans la Maison de Stanislawsky, sont confrontés à la mise en scène du TNP qui diffère beaucoup de la leur – l’absence de décors en toile peinte dans un pays où le naturalisme décoratif est encore très présent a été pleinement appréciée.
Vilar retournera en URSS dans le cadre du TNP en 1961 – Le Faiseur et Turcaret –, puis avec sa troupe privée en 1967, avant d’y donner ses derniers récitals de textes, aux côtés de sa fille Dominique, en 1971.