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1951

Jeanne Laurent et la nomination de Vilar au Théâtre National Populaire

En juillet 1951, en plein triomphe du Cid et du Prince de Hombourg, Jean Vilar sait qu’il se retrouvera sans théâtre à l’issue du cinquième Festival. Mais une nouvelle rencontre devait changer la donne.

Jeanne Laurent, à la fin d’une représentation avignonnaise de Hombourg, le 23 ou le 24 juillet 1951, m’avait dit, sur le plateau même où notre photographe – déjà Agnès Varda – prenait ses séries de photos :

‘‘il faudrait que vous dirigiez (a-t-elle dit le mot diriger ?) ou préparez-vous à diriger les activités populaires du théâtre.’’

Le mot populaire, oui, était au pluriel.

Je répondis vivement : ‘‘Pas en province’’.

Jean Vilar, « Les premiers pas », 1960, Le théâtre, service public

 

Jeanne Laurent est depuis 1946 sous-directrice des spectacles et de la musique, à la direction générale des Arts et Lettres du ministère de l’Éducation nationale. C’est elle qui est l’initiatrice de la politique de décentralisation théâtrale sous la Quatrième République, avec la création des premiers centres dramatiques nationaux : le centre dramatique de l’Est à Colmar, avec Roland Piétri puis André Clavé (1946) ; la Comédie de Saint-Étienne, avec Jean Dasté (1947) ; le Grenier de Toulouse, avec Maurice Sarrazin (1949) ; le centre dramatique de l’Ouest, avec Hubert Gignoux (1949) ; la Comédie de Provence, avec Gaston Baty (1952).

Déjà, en 1950, Vilar adressait à Laurent une lettre de candidature à la direction de l’Odéon. Il s’agissait pour Vilar de faire de ce lieu le temple des auteurs contemporains, tandis que les classiques resteraient à la Comédie Française.

Le 20 août 1951, Vilar est nommé pour trois ans directeur du Théâtre National Populaire (TNP), reprenant ainsi le nom d’origine choisi par Firmin Gémier en 1920.

 

À la réflexion, il me semble évident que, loin d’être une déviation du cours de sa vie, la direction du TNP se situe dans le prolongement de la voie suivie depuis cet après-midi de 1933, où il se rendit au théâtre de l’Atelier, dirigé par Charles Dullin.

Ces dix-sept années d’efforts obstinés ont fait du jeune Sétois, une personnalité capable d’ouvrir une ère nouvelle dans l’histoire française du théâtre. En 1951, il avait non seulement la maîtrise de son métier, mais même une autorité telle qu’il groupait autour de lui des artistes confirmés pour réaliser des spectacles de plus en plus admirables sans bénéficier de ces généreuses subventions qui vont actuellement aux talents reconnus.

Jeanne Laurent, 1986, projet de livre inachevé

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