Pour la première fois, Jean Vilar confie la mise en scène d’un spectacle du TNP à l’un de ses comédiens. La raison est moins artistique que médicale : en pleine répétition, il doit être opéré d’urgence pour son ulcère.
Gérard Philipe le remplace au pied levé. Cette année-là, tous les deux ont déjà partagé l’échec de la mise en scène de Nucléa, à Chaillot.
Pendant deux fois un mois, j’ai laissé entre les mains de ce garçon de trente ans, les responsabilités d’une charge qui m’est chère. Pendant ces soixante jours, j’ai regardé du coin de l’œil agir ce garçon vif et autoritaire. En le voyant entrer le soir dans ma chambre de clinique, le dos courbé, le cheveu gris de la poussière du théâtre, les mains nerveuses, j’ai compris que ce métier est un métier d’homme jeune, dont la santé encore vive ne tempère pas les audaces. Oui, un théâtre qui ne confie pas à la jeunesse des responsabilités essentielles est un théâtre mort.
Vilar, Arts, 24 juillet 1952
Après avoir longtemps hésité, Philipe accepte le rôle de Lorenzo, qui n’était joué jusque-là que par des actrices travesties : Sarah Bernhardt, Marie-Thérèse Piérat, Renée Falconetti, Marguerite Jamois, etc.
Plus que d’habitude, la lumière de Pierre Saveron joue un rôle très important dans la mise en scène. Le noir complet du début cède rapidement la place à la lumière crue du premier tableau. Le dispositif inverse est appliqué lors du finale, pour la sortie de chaque comédien. Entre les deux, pour donner un rythme soutenu à la pièce, la technique du fondu enchaîné est utilisée, ce qui permet de passer rapidement d’un épisode à l’autre.
La musique, composée par Maurice Jarre, s’inspire de la fête des Drapeaux, en Italie. Deux pages bondissant des coulisses font tournoyer sur le plateau des oriflammes de soie rouge et or. Les fameuses trompettes serviront par la suite à faire entrer le public dans la salle de Chaillot. Elles retentissent encore aujourd’hui à Avignon.
Lorenzaccio est la première création du Festival reprise la saison suivante à Chaillot et en tournées. Vilar y interprètera le rôle du Cardinal Cibo qu’il n’a pas pu jouer l’été. Lorenzo forme avec Rodrigue et Hombourg la trilogie des plus grands rôles joués par Philipe au TNP.
– Lorenzaccio
De Alfred de Musset (1834)
Création le 15 juillet 1952, Cour d’honneur du Palais des Papes d’Avignon
Mise en scène Gérard Philipe
Scénographie Léon Gischia
Costumes Léon Gischia
Lumières Pierre Saveron
Son Maurice Coussonneau
Musique Maurice Jarre
Construction Jacques Le Marquet
Réalisation des costumes Henri Lebrun, Alyette Samazeuilh
Régie générale René Besson
Avec Jacques Amyrian (Julien Salviati), Lucien Arnaud (Aldoviti), René Belloc (1er cavalier), Jacques Butin (le marquis Cibo), Monique Chaumette (Louise), Maurice Coussonneau (le provéditeur), Charles Denner (Giomo/1er précepteur), Jean Deschamps (Pierre Strozzi), Monique Drake (1ère dame de cour), Daniel Ivernel (Alexandre), Jean-Pierre Jorris (Maffio et Côme), Henri Jouf (moine), Milan Kepel (cavalier), François Lebovitz (le petit Strozzi), Lucienne Le Marchand (Marie), ), Jacques Le Marquet (officier allemand), Jean Leuvrais (Sire Maurice), Henri Marchand (Venturi), Renaud Mary (Cardinal Cibo), Monique Melinand (la marquise), Jeanne Moreau (dame de cour), Jean-Paul Moulinot (l’orfèvre), Marc Négroni (Ascanio/ Prieur Strozzi/2e précepteur), Michel Petit (Tébaldéo), Gérard Philipe (Lorenzo), Georges Riquier (marchand de soieries), Claude Roire (le petit Salviati), André Schlesser (page), Françoise Spira (Catherine), Étienne de Swarte (moine), Jean Violette (Valori), Michel Vitold (Philippe Strozzi) et Georges Wilson (Scoroncocolo).
99 représentations, 207 062 spectateurs (1952-1959)