– Permettez-moi de vous demander carrément si vous êtes socialiste ?
– Oui, en moi est né le goût profond du socialisme. D’un socialisme absolu – sans doute l’exemple de mon père m’a ici influencé… Je suis contre ces sociétés, bien que j’aie été récupéré par elles bien sûr, et j’en souhaite une autre où il y aurait, quel que soit le travail de l’homme, une égalité de salaire. Je sais que ce n’est pas d’hier que cette idée court dans la tête des hommes, mais je pense qu’elle m’a formé, qu’elle a été la base de tout mon travail, même si j’ai considéré cela comme une utopie. Jusqu’à 30 ans, je peux dire qu’au milieu de mes difficultés personnelles la politique m’a vraiment préoccupé, dans la mesure où la collectivité importe avant tout et où son sort importe avant le sort individuel.
Vilar à la télévision canadienne, mars 1970
Le 22 novembre 1966, en participant au débat organisé à la Mutualité par la Fédération de la gauche démocrate et socialiste, Vilar sort de la réserve politique que lui imposait son statut de directeur du TNP et se présente en véritable homme de gauche. Assis à la tribune aux côtés de François Mitterrand, qu’il a soutenu un an plus tôt aux élections présidentielles, il prononce un discours sur la liberté du créateur.
Vilar a été un compagnon de route de la gauche, toute sa vie. Comme beaucoup, les événements du Front populaire ont bouleversé sa jeunesse. Le 14 juillet 1935, il participe à la gigantesque manifestation qui réunit le radical Daladier – maire d’Avignon au moment du Festival –, le socialiste Blum et le communiste Thorez, entre Bastille et Porte de Vincennes.
Au TNP, une bonne part de son répertoire, son réseau d’artistes – le comédien Gérard Philipe, le chanteur Yves Montand et le peintre Ernest Pignon – et ses tournées dans la banlieue rouge répondent aux attentes du Parti Communiste Français en matière de politique théâtrale, bien qu’il n’ait jamais été encarté. Cela lui valut d’être inquiété par la « chasse aux sorcières » qui régnait alors en France au début des années 1950.
Au milieu des années 1960, ses idées le mènent à devenir membre du Comité pour l’Espagne libre contre le franquisme, à soutenir le Vietnam, à réclamer la libération de Régis Debray, fait prisonnier par la dictature bolivienne, et à signer l’appel national en faveur de l’union des gauches en France.
François Mitterrand, reconnaissant, lui rend hommage : le 10 juillet 1981, tout juste élu Président de la République, il inaugure à la Maison Jean Vilar l’exposition qui lui est consacrée.