Au jour, le jour
En 2020, période exceptionnelle où chacun est resté chez soi, l’association Jean Vilar a poursuivi sa mission de partage des archives de Jean Vilar et du TNP.
Au jour, le jour
En 2020, période exceptionnelle où chacun est resté chez soi, l’association Jean Vilar a poursuivi sa mission de partage des archives de Jean Vilar et du TNP.
(1) Portrait de Georges Perros, Photomaton,
début des années 1960 © Collection Georges Perros
Il s’agit de pièces de théâtre que vous n’avez pas lues, que vous n’avez pas vues… et que vous ne verrez certainement jamais !
Et pour cause…
De 1951 à 1963, Jean Vilar fait appel à un lecteur pour faire le tri parmi les nombreux manuscrits et tapuscrits qu’il reçoit au TNP. Envois d’auteurs dramatiques pour la plupart inconnus, pour le mieux méconnus, ayant tous l’espoir d’être joués par l’illustre troupe du Théâtre National Populaire.
La Maison Jean Vilar conserve dans son fonds une grande partie de ces notes de lecture sous forme de fiches dactylographiées par les secrétaires de l’administration du TNP.
Elles sont plus de 1000, consignées dans d’anciennes boites à fiches et rangées par ordre alphabétique. En effet, jusqu’au départ de Jean Vilar en 1963, il est noté que plus de 1650 manuscrits ont été envoyés au TNP.
Alors que Vilar espère vivement trouver et révéler un auteur, « un poète populaire, dru et violent » qui serait, à l’instar de Gérard Philipe, un frère d’âme, aucun n’a grâce aux yeux du lecteur assidu et sans concession qui écrit de brèves notes à la radicalité réjouissante.
Il se prête avec constance au jeu de cette quête impérieuse, non sans quelques phases d’abattement qui lui feront écrire à Vilar : « La dénichera-t-on cette bon dieu de pièce ! ».
Ces notes de lecture sont un panorama de la production, des inspirations et engouements d’auteurs dramatiques de la période mais elles se révèlent être surtout une réflexion sur le théâtre citoyen de Vilar et ses aspirations.
Soixante ans plus tard, extraites du contexte besogneux dans lequel elles ont été produites, ces notes à l’écriture économe et à l’esprit brillant apparaissent dans toute leur jubilatoire impertinence.
C’est qu’elles ne sont pas l’œuvre d’un anonyme mais celles du lecteur Poulot…
… qui n’est autre que Georges Perros l’auteur de Papiers collés, Georges Perros le façonneurde notes clandestines, le poète des interstices, le collectionneur de presque riens, Georges Perros, le discret de Douarnenez.
Georges Poulot, né à Paris, un 31 août de 1923, s’essaye tout d’abord au théâtre.
Après avoir suivi des cours au Centre du Spectacle de la rue Blanche, il, étudie au conservatoire d’art dramatique dans la classe de Denis d’Inès. Il y rencontre Michel Bouquet, Jeanne Moreau… et Gérard Philipe avec lequel il entretiendra une longue et profonde amitié, en témoigne une riche correspondance publiée aux éditions Finitude. Alors qu’il est en relation étroite avec le groupe lettriste d’Isidore Isou dont il signe le manifeste, il obtient le deuxième prix de comédie et entre à la Comédie-Française, il y joue Le cantique des cantiques, Le Misanthrope, L’Impromptu de Versailles, sans aucun génie, estime-t-il.
Il abandonne les planches en 1950, alors qu’il n’a que 27 ans pour les coulisses de l’écriture.
Mais il doit vivre et, par l’entremise de Gérard Philipe, il rentre au TNP, mais cette fois-ci, non en tant que comédien mais comme lecteur.
L’aventure du lecteur Poulot, le « souffre lecteur » comme il se nommait, commence…
Retrouvez un florilège de ces notes dans
Lectures pour Jean Vilar, Georges Perros – préfacé par Jean-Pierre Nedelec aux éditions Le temps qu’il fait – 1999
et la totalité des écrits (hors correspondance) dans Œuvres, Georges Perros – dans la collection Quarto de Gallimard – 2017
La transcription des notes manuscrites de Perros est quelquefois imprécise, par moment malmenée. Ces fiches sont des originaux qui laissent transparaitre le charme des mésaventures dactylographiques.
Le nom des auteurs est noté dans son entier sur les fiches, pour des raisons de confidentialité, quelques peu éventée toutefois, nous avons choisi de ne laisser apparaitre que les initiales de leurs prénom et nom.