Pourquoi Kleist ?
Kleist est pour plusieurs camarades, et pour moi en particulier, une des œuvres maîtresses dans le répertoire ancien. Les questions que nous nous posons, nous, dans le monde moderne, que nous soyons jeunes ou plus âgés, correspondent aux questions que se posent les héros de Kleist. C’est, pour nous, un réconfort français de présenter pour la première fois en France Le Prince de Hombourg. Et on se demande comment, depuis plus d’un siècle, l’œuvre de Kleist ne soit pas plus connue en France.
Vilar, interview pour la radio, 1951
Le 15 juillet 1951, le soir de la première dans la Cour d’honneur du Palais des Papes, la pièce est encore inconnue en France. En Allemagne précédemment, elle a généré un malaise, provoqué entre autres par la scène dite « de la lâcheté », qui voit un prince de sang s’humilier pour conserver la vie. Or, c’est précisément ce passage qui, aux yeux de Vilar, rend l’œuvre si fascinante.
Le Prince de Hombourg n’est pas seulement un chef-d’œuvre, nous le savons. C’est aussi une pièce bien faite comme disent les mauvais auteurs. Mais est bien faite parce que Kleist a eu un coup de sang vrai. Et c’est la scène de la lâcheté. Certes, il faut tout bien jouer de bout en bout. Mais cette scène, il faut que l’auteur s’y perde. S’y noie, tout est permis. Il faut, et tu es de mon avis n’est-ce pas, que tous les soirs, toutes les ressources physiques et tes faiblesses d’homme jeune y contribuent.
Lettre de Jean Vilar à Gérard Philipe
Le même été, le spectacle est invité pour une tournée en Allemagne. Toute une troupe est entraînée dans le pays d’origine de la pièce pour y faire entendre, en langue française qui plus est, une œuvre longtemps tenue à l’écart. Les publics de Berlin, Francfort et Munich lui réservent un triomphe. Aucune équivoque : Gérard Philipe est le Prince de Hombourg. Ainsi, Kleist, si longtemps ignoré, méprisé, rentre chez lui en vainqueur.
Il faut attendre le 5 juillet 2014 pour que le Prince fasse son grand retour, sous les traits de Xavier Gallais, dans la Cour d’honneur, dans la mise en scène de Giorgio Barberio Corsetti.
Le Prince de Hombourg
De Heinrich von Kleist (1810)
Traduction Jean Curtis
Création le 15 juillet 1951, Cour d’honneur du Palais des Papes
Mise en scène Jean Vilar
Scénographie Camille Demangeat et Léon Gischia
Costumes Léon Gischia
Musique Maurice Jarre
Assistant à la mise en scène Maurice Coussonneau
Régie générale Valentine Schlegel et Pierre Lautrec
Réalisation des costumes Alyette Samazareuilh et Henri Lebrun
Avec Lucien Arnaud (Hennings), Pierre Asso (feld-maréchal Dörfling), René Belloc (un heiduque), Jean Bolo (capitaine von der Goltz), Monique Chaumette (une dame de la Cour), Maurice Coussonneau (Stranz), Charles Denner (Siegfried von Mörner), René Dupuy (maréchal des logis), Abel Jores (2ème officier), Pierre Lautrec (Guelder), Lucienne Le Marchand (princesse électrice), Jean Leuvrais (comte Reuss/comte Sparren), Jean Martin (1er officier), Jeanne Moreau (Nathalie), Jean-Paul Moulinot (colonel Kottwitz), Jean Négroni (comte de Hohenzollern), Gérard Philipe (prince Frédéric Arthur de Hombourg), André Schlesser (serviteur de scène), Françoise Spira (2ème dame de la Cour) et Jean Vilar (Frédéric Guillaume).
120 représentations, 192 782 spectateurs (1951-1957)