De l’enquête de 1967 réalisée par la sociologue Janine Larrue, il ressort que sur 100 spectateurs, 64 ont moins de 30 ans. Il était inévitable qu’à l’heure où [la jeunesse] prend violemment conscience d’elle-même, de ses revendications, elle exprime à Avignon, pacifiquement ne l’oublions pas, cette prise de conscience et ces revendications.
1969, Le Théâtre service public
Lors du 22ème Festival, du 17 juillet au 14 août 1968, la contestation de l’action culturelle, qui s’est d’abord élevée à l’Odéon, puis à Villeurbanne, s’exporte à Avignon. Jean Vilar a suivi de loin ces événements, jusqu’à se heurter au discours gaulliste du 30 mai.
Les grèves du printemps ayant entravé les répétitions des compagnies françaises, Vilar maintient le Festival, mais le limite aux compagnies étrangères : le Ballet du XXe siècle et le Living Theatre.
Pour donner une tribune aux contestations potentielles, les Assises « Théâtre et Société » sont organisées au Verger.
Paradoxalement, c’est le cinéma qui occupe la plus grande place du programme, après l’annulation du Festival de Cannes. Une centaine de films sont choisis par Jacques Robert. La musique contemporaine, présentée quant à elle par Guy Erismann, inaugure un nouveau lieu, le Cloître des Célestins.
La contestation de la jeunesse contre Vilar et le Festival – devenu, selon elle, « le supermarché de la culture » – se fait d’abord dans la rue. Des tracts sont distribués, sur lesquels il est écrit : « Si vous voulez défendre : la bonne conscience des éducateurs de masse, la culture populaire enrégimentée, les opérations commerciales camouflées, le pontificat et le paternalisme. Si vous aimez qu’on pense pour vous, venez nombreux en Avignon, la fête risque d’être réussie. »
Les murs de la ville se couvrent de graffitis, de slogans et d’affiches au pochoir, réalisés par les étudiants des Beaux-Arts, dont le fameux « Non à la culture de Papape ».
La place de l’Horloge, plusieurs fois évacuée par les CRS, constitue le forum de tous les contestataires.
La contestation se fait aussi dans les salles, devenues le théâtre de revendications contre la censure et pour le théâtre gratuit dans la rue. On y entend aussi des choses injustes : « Vilar, Béjart, Salazar ! ».
Cette période est très éprouvante pour Vilar qui multiplie les sorties, dans le but de défendre son Festival, allant même parfois directement au contact des manifestants. En septembre, pendant ses vacances à Sète, il est victime d’un infarctus.
Théâtre :
Antigone de Sophocle, mise en scène par Judith Malina et Julian Beck, Cloître des Carmes ;
Mysteries and smaller pieces de Judith Malina, Cloître des Carmes ;
Paradise now de Judith Malina, Cloître des Carmes.
Danse :
Bhakti III, chorégraphie de Maurice Béjart, Cour d’honneur du Palais des Papes ;
Cantates de Hildegard Jone, chorégraphie de Maurice Béjart et composition d’Anton Webern, Cour d’honneur du Palais des Papes ;
La Nuit obscure de Jean De la Croix, chorégraphie de Maurice Béjart, Cour d’honneur du Palais des Papes ;
Le Sacre du Printemps, chorégraphie de Maurice Béjart et composition d’Igor Stravinsky, Cour d’honneur du Palais des Papes ;
Ni fleurs ni couronnes, chorégraphie de Maurice Béjart et composition de Fernand Schirren, Cour d’honneur du Palais des Papes ;
Messe pour le temps présent de Maurice Béjart et composition de Pierre Henry, Cour d’honneur du Palais des Papes.
Cinéma :
Baisers volés de François Truffaut, Cour d’honneur du Palais des Papes ;
Mister Freedom de William Klein, Cour d’honneur du Palais des Papes ;
Jaguar de Jean Rouch, Cour d’honneur du Palais des Papes ;
Musique contemporaine, Cloître des Célestins.