RETOUR
1959

Le Songe d’une nuit d’été

Rien que pour cette phrase, Le Songe d’une nuit d’été méritait d’être un jour, ou plutôt un soir, joué au Festival d’Avignon. En vérité, dès la première année d’Avignon, alors qu’il n’était pas encore question pour nous de TNP je m’étais juré de monter Le Songe dans la Cour d’honneur du Palais.

Jean Vilar, Bref, n°28, juillet 1959

Ce qui décide enfin Jean Vilar à mettre en scène Le Songe d’une nuit d’été en juillet 1959, c’est la rencontre avec l’adaptation que Jules Supervielle en a donnée dans la collection « Shakespeare » du Club Français du Livre, dirigée par Pierre Leyris.

La pièce mêle à la fois la tragédie grecque et la comédie anglaise, deux genres qui font encore défaut dans le répertoire du TNP. Elle a surtout la solide réputation d’être injouable : il n’y a  pas d’intrigue dramatique forte, c’est une mosaïque de sketchs que le metteur en scène doit savoir relier entre eux.

Ce qui plaît à Vilar, c’est de pouvoir représenter une œuvre féérique, qui fait une large place à l’intervention d’un monde merveilleux, peuplé de personnages surnaturels – les elfes Puck, Titania et Obéron –, dans le but de prouver l’erreur des hommes persuadés que c’est uniquement la logique qui règle leurs rapports.

Pour faire croire en cette féérie, Vilar compte avant tout, et plus que tout, sur l’imagination du spectateur. Sur scène, il y a seulement le dispositif scénique de Le Marquet, de couleurs vert foncé et vert clair et quelques arbustes. La musique de Jarre rend, quant à elle, parfaitement sensibles les palpitations de la forêt.

Selon Vilar, le personnage principal est le clair de lune, qui projette sa lumière blême et froide sur les lieux où se déroule l’action. En accord avec Gischia, Saveron a choisi la lumière bleue. Les couleurs des costumes sont spécialement conçues pour s’harmoniser avec les diverses nuances de cette teinte.

Le Songe est répété cinquante fois, ce qui est exceptionnel et montre bien que Vilar et ses comédiens ne sont pas en phase avec la poésie un peu délirante de la pièce.

 

Nous avons travaillé Le Songe comme nous aurions travaillé un Marivaux, avec la crainte du détail. On ne travaille pas Shakespeare avec ce souci de la clarté. Il y a chez l’Anglais une fantaisie et une imprécision que ma hantise de la précision détruit.

Note de service, 5 août 1959

 

Le Songe est un semi-échec, bien qu’il soit représenté 37 fois. Il s’agit surtout du dernier rôle de Maria Casarès au TNP.

 

– Le Songe d’une nuit d’été

De William Shakespeare (1594)
Adaptation Jean-Louis Supervielle
Création le 15 juillet 1959, Cour d’honneur du Palais des Papes d’Avignon
Mise en scène Jean Vilar
Scénographie Léon Gischia
Costumes Léon Gischia
Lumières Pierre Saveron
Musique Maurice Jarre
Construction Jacques Le Marquet
Réalisation des costumes Gerry Gischia, Joseph Poulard
Régie générale René Besson, Marcel Magnat
Régie son Maurice Coussonneau
Régie plateau Jean-Jacques de Kerday
Régie André Bataille, André Collet

Avec Lucien Arnaud (Lecoin), Laurence Badie (Fleur-de-Pois), Maria Casarès (Titania), Monique Chaumette (Hermia), Julien Guiomar (Philostrate), Henri-Jacques Huet (Démétrius), Catherine Le Couey (Hippolyta), Christiane Minazzoli (Héléna), Roger Mollien (Lysandre), Jean-Paul Moulinot (Navette), Lydie Murguet (Graine-de-Moutarde), Claude Nicot (Puck), Philippe Noiret (Marmiteux, le mur), Robert Party (Thésée), Georges Riquier (Tubulure), Guy Saint-Jean (Gatebois, le lion), André Schlesser (Clair de Lune), Jacques Seiler (Egée), Nicole de Surmont (Phalène), Annie Thomas (Toile-d’Araignée), Jean Topart (Famélique) et Jean Vilar (Obéron).

37 représentations, 85 006 spectateurs (1959-1960)

[En lire +]