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1959

Ouverture du Théâtre Récamier : Vilar et le théâtre contemporain

À partir d’octobre 1960 et si je suis encore le responsable du TNP, toutes les œuvres choisies et interprétées seront des œuvres d’auteurs contemporains et vivants.

Vilar, Théâtre service public, 1959

Jean Vilar, directeur du Festival d’Avignon, a toujours octroyé une place importante aux auteurs vivants : Claudel et L’Histoire de Tobie et Sara ; Clavel et La Terrasse de Midi, Supervielle et Shéhérazade, Gide et Œdipe, Montherlant et Pasiphaé et Thierry Maulnier et Le Profanateur.

Le répertoire du TNP ne leur donne, au contraire, qu’une place restreinte : sur les trente-trois pièces mises en scène entre 1951 et 1959, quatre sont signées Brecht avec Mère Courage, Pichette avec Nucléa, Vauthier avec La Nouvelle Mandragore et Claudel avec La Ville. Vilar ne tourne pourtant pas le dos à l’écriture contemporaine : il est à la recherche d’un nouvel auteur, « un poète populaire, dru et violent ». Il fait appel à un lecteur, Georges Perros, pour faire le tri parmi les nombreux manuscrits et tapuscrits reçus d’auteurs dramatiques pour la plupart inconnus, ayant tous l’espoir d’être joués. Aucun n’a grâce aux yeux de Perros qui écrit de brèves notes radicales et réjouissantes.

Ce petit nombre d’auteurs vivants s’explique surtout par les contraintes de lieux. Selon Vilar, les trop vastes scènes d’Avignon et de Chaillot empêchent le lien avec le jeune théâtre contemporain. Si l’on excepte Brecht, ses tentatives à Chaillot sont des échecs – 8 représentations de Nucléa, 6 de La Nouvelle Mandragore et 19 de La Ville. Il faut un lieu plus intimiste.

André Malraux, ministre des Affaires culturelles, attribue au TNP le Théâtre Récamier, avec le statut de « salle d’essai ». La plupart des usages appliqués à Chaillot sont respectés dans ce lieu de 600 places, situé rive gauche : prix modeste fixé à 750 anciens francs ; accueil en musique à 18h45 ; début de la représentation à 20h15 ; lutte contre les retardataires ; suppression des pourboires ; vente de livrets comportant le texte complet de l’œuvre inédite.

Vilar ouvre le lieu avec Le Crapaud-buffle d’Armand Gatti, dont la première a lieu le 22 octobre 1959. C’est un échec. Les pièces de Vian, Pinget, Beckett, Obaldia et Bertolt Brecht se jouent également dans des salles à moitié vides.

Globalement le public du TNP ne le suit pas à Récamier. L’aventure s’achève le 29 mai 1961, pour raisons financières, avec la dernière de La Bonne Âme de Se-Tchouan de Brecht. En tout, ce sont 6 créations qui y ont été jouées, réparties en 384 représentations et rassemblant 90 319 spectateurs, tout de même.

 

Pièces jouées à Récamier par le TNP :

Le Crapaud-buffle d’Armand Gatti, mise en scène de Jean Vilar.
Les Bâtisseurs d’empire de Boris Vian, mise en scène de Jean Négroni.
Lettre morte de Robert Pinget, mise en scène de Jean Martin.
La dernière bande de Samuel Beckett, mise en scène de Roger Blin.
Génousie de René de Obaldia, mise en scène de Roger Mollien.
La Bonne âme de Se-Tchouan de Bertolt Brecht, mise en scène de Jean Vilar.

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