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1961

Loin de Rueil, l’œuvre totale de Maurice Jarre

En augmentant l’importance de la partition, chaque fois que la pièce s’y prêtait, nous nous acheminions insensiblement vers la comédie musicale. Ubu, avec ses couplets, ses chœurs, ses entrées, marquait déjà une étape dans cette voie. L’aboutissement normal était la préparation d’un spectacle où les paroles et la musique fussent liées dès le stade de la création.

Maurice Jarre, Bref n°44, mars 1961

Pour composer la musique de Loin de Rueil, Maurice Jarre s’est plongé dans l’œuvre de Queneau, afin de s’imprégner de la poésie des faubourgs et d’en saisir l’humour du langage. Jusqu’à présent, seul le cabaret s’est intéressé à Queneau – Zazie dans le métro a eu droit aux honneurs des « Trois Baudets ». Jarre travaille ici en étroite collaboration avec Roger Pillaudin, à qui on doit le texte de la comédie musicale tiré du roman de Queneau.

Loin de Rueil est l’histoire d’un ‘‘p’tit gars’’, Jacques l’Aumône, qui grandit entre ses parents, des marchands de chaussettes – les parents de Jean Vilar sont merciers – les braves gens de sa banlieue, le poète Des Cigales, la bonne qui rêve de Hollywood et Camille. L’amour que Jacques éprouve pour cette dernière l’entraîne à imaginer l’impossible, il se voit ingénieur, boxeur, aviateur. Il réalisera ses rêves en devenant vedette de cinéma aux États-Unis.

Autour du texte de Pillaudin, Jarre compose trois genres de musique : des chansons sur des rythmes de danse moderne, qui correspondent à l’univers de Queneau et à ses personnages – le chœur initial des habitants de Rueil, « Y’a qu’au ci-ci-ci, y’a qu’au cinéma » est un charleston ; des ensembles dans la forme de l’opéra classique – le quintette des poux, « Mais pou, mais pou, mais pourekoa, le bonguieu ha-t-il créé ça ? » ; une musique plus libre à base de percussions et d’instruments électroniques créant le dépaysement.

L’orchestre de Jarre est composé de bois, de cuivres, d’un accordéon, d’une guitare électrique, mais pas de cordes.

Les comédiennes et les comédiens – qui ne sont pas tous chanteurs professionnels – passent sans transition du parler au chanter – Juliette Gréco prête sa voix à Camille, personnage que l’on ne voit jamais sur scène.

Devant le projet de Jarre et Pillaudin, Vilar se montre enthousiaste, au point de l’annoncer comme un projet ferme à la conférence de presse du début de saison et d’en diriger la mise en scène.

 

– Loin de Rueil

De Maurice Jarre et Roger Pillaudin
D’après Raymond Queneau
Création le 14 mars 1961, Palais de Chaillot (Paris)
Mise en scène Maurice Jarre et Jean Vilar
Chorégraphie Dirk Sanders
Costumes Jacques Noël

Avec Lucien Arnaud (Théodore l’Aumône), Laurence Badie (Lulu Doumer/Loulou-la-cubaine), Michel Barbey (Lucas), Armand Bernard (des Cigales), Florence Blot (Thérèse l’aumône), Laurent Brancaz (le Double de Jacques), Nicole Croisille (Kiki-la-cingalaise), Philippe Dehesdin (Curiace), Charles Denner (Rubiadzan), François Leccia (Jacquot/Miction), Francis Miege (Horace), Christiane Minazzoli (Marthe Baponot), Jean Obé (Tonton), Jean-Marie Proslier (M. Baponot), Jean Rochefort (Jacques l’Aumône/James Charity), Guy Saint-Jean (Père Choque) et Rosy Varte (Suzanne).

Les Girls Marie-José Carlys, Nicole Croisille, Colette Dissac, Joëlle Robin, Arlette Sanders et Arielle Zambo.

36 représentations, 52 846 spectateurs

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