Histoire de tueries assez banales, non pas seulement à première vue mais aussi après de nombreuses répétitions.
Mais nous sentons aussi bien, et dès la première lecture, que ce que nous avons à interpréter à travers la traduction française est autre chose qu’un fait-divers de tueur. L’histoire, je veux dire le sujet et l’intrigue, sont simples. Peut-être une des plus claires de William Shakespeare. Et c’est là la difficulté.
Notes pour les comédiens Macbeth, 22 mai 1954
Après Richard II et Henri IV, Jean Vilar décide de monter une autre œuvre de Shakespeare, ce Macbeth qui a tenté avant lui Pitoëff, Clavé et Dasté.
La pièce est découpée en 26 tableaux, ce qui suppose 26 changements de lieu sur scène, une véritable prouesse quand les seuls instruments de travail à la disposition du scénographe sont des projecteurs et quelques éléments de bois découpé – un tabouret, deux fauteuils, pourpre et noir, dont l’architecture stylisée situe l’histoire dans son haut Moyen Âge de ténèbres et de sang.
Mario Prassinos, dont c’est la première collaboration avec Vilar, crée des costumes aux tons orange, bleus, jaunes et rouges qui tranchent à Avignon sur le fond grisâtre des murailles de la Cour d’honneur. Il s’est inspiré des documents d’époque, en particulier de la fameuse Tapisserie de Bayeux. Les boucliers de Dunsinane sont ainsi identiques à ceux qui s’entrechoquèrent lors de la bataille d’Hastings. Les fameuses sorcières ont quant à elles l’aspect fantomatique d’oiseaux de nuit.
À Chaillot, Prassinos tend un fond noir sur lequel sont projetées les lumières de Pierre Saveron, des rayons obliques qui révèlent un escalier ou découpent une grille.
Le fond sonore est ici très important. Vilar a recours à l’enregistrement stéréophonique pour les chants et les imprécations des sorcières – plusieurs critiques et spectateurs les considèrent alors inaudibles. Pour le monologue de Macbeth, que Vilar mime au huitième tableau, ce recours suggère sa voix intérieure.
Les bruitages sont signés Maurice Coussonneau et renforcent l’aspect surnaturel de l’intrigue : orages, miaulements, hululements, croassements, cris d’oiseaux nocturnes sont entrecoupés d’airs de cornemuse.
Vilar et Maria Casarès forment un grand couple de théâtre. Cette dernière expose pour la première fois au TNP ses talents de tragédienne. La scène de la folie somnambulique, où elle essaie machinalement d’effacer les imaginaires taches de sang sur ses mains, est peut-être la scène la plus saisissante vue dans ce spectacle.
– Macbeth
De William Shakespeare (1611)
Création le 20 juillet 1954, Cour d’honneur du Palais des papes d’Avignon
Scénographie Camille Demangeat
Costumes Mario Prassinos
Lumières Pierre Saveron
Musique Maurice Jarre
Réalisation des costumes Alyette Samazeuilh
Régie générale René Besson, Marcel Magnat
Régie son Maurice Coussonneau
Régie André Collet, Jean-Jacques de Kerday, Jacques Le Marquet
Avec Lucien Arnaud (Caithness), Zanie Campan (la suivant de Lady Macbeth), Maria Casarès (Lady Macbeth), Monique Chaumette (Lady Macduff), Maurice Coussonneau (2ème assassin), Jean-Pierre Darras (Lennox), Jean Deschamps (Banquo), Éric Douet (fils de Macduff), Yves Gasc (le jeune Siward), Jacques Le Marquet (Menteith), Georges Lycan (Seyton, 1er assassin), Roger Mollien (Malcolm), Jean-Paul Moulinot (Siward), Philippe Noiret (Ross), Guy Provost (Angus), Georges Riquier (le médecin/le vieillard), André Schlesser (3ème assassin), Daniel Sorano (le portier), Jean Vilar (Macbeth) et Georges Wilson (Macduff).
81 représentations, 175 039 spectateurs (1954-1958)