RETOUR
1937

Service militaire à Hyères

En octobre 1937, Jean Vilar quitte le Théâtre de l’Atelier afin d’effectuer son service militaire à Hyères en tant que 2e classe. Libéré un an plus tard, il retrouve à Paris les marges de la misère.

J’ai vraiment eu une vie très dure, je n’avais aucun métier. Rien. Le chômage sévissait à plein. On ne trouvait rien, rien, rien. Ah, oui, j’ai eu faim ! Oui, j’ai mangé des croûtons, j’ai râclé le fond du pot de moutarde !
Entretien radiophonique avec Moussa Abadi, 1963

Contraint d’accepter de menus travaux, il se retrouve à pousser des chariots chargés de cageots, de nuit aux Halles. La scène continue cependant de le hanter : il fonde, début janvier 1939, le groupe théâtral « L’Équipe », au numéro 81 du boulevard Montparnasse. Le 10 février, lors d’une soirée organisée par le mouvement « Paix et liberté », il présente des textes et des poèmes engagés, antiracistes et pacifistes, dont un signé Bertolt Brecht.

En mars 1939, il est rappelé sous les drapeaux, au 3e RIA à Hyères. Au même moment, son jeune frère, Lucien, alors âgé de dix-neuf ans, meurt des suites d’une opération chirurgicale. Vilar, bouleversé, convoque Victor Hugo :

‘‘Ma vie entre déjà dans l’ombre de la mort’’. Connaissance toute pétrie de doutes et apprentissage du corps de ce qu’est la mort. Besoin de comprendre moins impérieux que le besoin comblé de retrouver l’aimé disparu dans tous les objets qui furent les siens.
‘‘Ma vie entre déjà dans l’ombre de la mort’’
Et j’entre dans ce pays sans roi.
Vilar, « Carnets de la mort », mai 1939-avril 1940

Opéré d’un ulcère perforé à l’estomac le 25 novembre 1939 à l’Hôpital militaire de Nice, il est ensuite réformé, à l’issue des deux mois de convalescence passés dans sa famille. De retour à Paris en mars 1940, il fait le tour des théâtres à la recherche de rôles. En vain : c’est à l’Office interprofessionnel du blé qu’il finit par trouver un modeste poste de contrôleur adjoint.

Malgré la guerre et les épreuves de la vie, Vilar n’oublie pas d’écrire des pièces. Aucune ne sera jouée, exceptée La Farce des filles à marier. Il envoie à Jean Giono le manuscrit d’une Antigone, d’après Les Phéniciennes d’Euripide – il en reprendra le texte, sous le titre La nuit tombe, et en fera une lecture au Festival d’Avignon, en 1960.

Dans le but de mettre en scène son autre pièce, Aimer sans savoir qui, il prépare deux nouveaux projets de groupe théâtral, l’un avec les élèves de Charles Dullin, l’autre avec ceux de Raymond Rouleau.

[En lire +]