RETOUR
1963

Thomas More ou l’homme seul

Thomas More est la dernière mise en scène et le dernier rôle de Jean Vilar au TNP. Il confie à Pol Quentin la traduction de A Man for all seasons de Robert Bolt.

Thomas More, premier ministre d’Henry VIII – le roi aux six femmes – donne sa démission pour ne pas avoir à approuver le divorce du roi avec sa première épouse Catherine d’Aragon. Son refus d’assister au couronnement de la nouvelle reine, Anne Boleyn, cause sa perte. Sans provocation et sans goût du martyre, il est celui qui arrête la machine de l’État quand ses responsables en usent avec déloyauté, mensonge et crime à l’égard de la loi.

Son ouvrage, L’Île d’Utopie ou la meilleure des républiques, est une étonnante anticipation des réformes qui hanteront les penseurs sociaux et socialistes du XIXe siècle. En 1935, il est à la fois canonisé par Rome et célébré à Moscou comme le plus grand ancêtre du marxisme.

A Man for all seasons est une pièce qui donne l’impression d’avoir été écrite pour le TNP : il y a sans doute une influence qui se manifeste dans les indications d’éclairage et dans l’absence de localisation des lieux scéniques. Bolt est aussi proche du TNP par son souci de l’actualité et son refus du drame historique. Léon Gischia lit attentivement les indications de l’auteur, tant pour les costumes que pour le dispositif scénique. Georges Delerue se charge de la musique.

Le 31 mai 1963, Jean Vilar joue sur la scène de Chaillot pour la dernière fois. On ne le reverra sur cette scène, en 1969, que pour y lire un texte pour le dixième anniversaire de la mort de Gérard Philipe. Le 31 juillet suivant, ce sont les adieux dans la Cour d’honneur du Palais des Papes – il reste cependant directeur du Festival.

Ce sont à chaque fois les mêmes scènes : toutes les places sont vendues, il ne reste plus un siège, plus une marche, le silence est presque religieux ; à la dernière réplique lancée, les applaudissements et les rappels n’en finissent plus. À Avignon, Vilar doit revenir saluer, seul.

 

Jamais, il ne nous est apparu plus détendu, plus désinvolte, plus ironique, plus mordant, plus profond, plus émouvant. Je n’écris pas cela parce qu’il a décidé de quitter le TNP. J’ai cru voir errer sur ses lèvres un drôle de sourire quand il nous a entendus l’applaudir, l’autre soir, comme s’il se disait : ‘‘C’est bien ça, c’est maintenant qu’on va m’aimer !’’

J.J. Gautier, Le Figaro, 13 mai 1963

 

Début mai, la nomination de Wilson est officialisée. Tous les journalistes notent que dans Thomas More, le futur directeur du TNP coupe la tête de l’actuel !

 

– Thomas More

De Robert Bolt (1960)
Adaptation Pol Quentin
Création le 2 mai 1963, Palais de Chaillot (Paris)
Mise en scène Jean Vilar
Scénographie Léon Gischia
Costumes Léon Gischia
Musique Georges Delerue

Avec Aline Bertrand (une femme), Charles Denner (l’homme de la rue), Michel Garland (William Roper), Gilberte Géniat (Alice More), François Guillier (l’assistant de Chapuys), Daniel Ivernel (le roi Henry VIII), Pascal Mazzotti (Chapuys), Christiane Minazzoli (Margaret More), Roger Mollien (Richard Rich), Mario Pilar (Cranmer), Jean-François Rémi (duc de Norfolk), Georges Riquier (cardinal Wolsey), Pierre Tabard (Thomas Cromwell), Jean Vilar (Sir Thomas More) et Georges Wilson (le roi Henry VIII).

34 représentations, 70 170 spectateurs

[En lire +]