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1951

Vilar et les peintres

Gischia m’a rendu conscient qu’un ravalement du théâtre ne pouvait pas se faire sans que le peintre n’ait une part active et importante dans la représentation théâtrale. Il ne fallait pas un décorateur professionnel, mais un homme dont le travail quotidien est le travail de chevalet. Nous devions apprendre des autres arts énormément. Le jour où j’ai vu un costume vraiment traité par un peintre sur le plateau, j’ai compris que le travail devait être fait entre le comédien, le texte choisi et cette couleur.

Jean Vilar, entretien avec Agnès Varda

Les peintres qui ont travaillé pour le TNP sont tous issus de « L’École de Paris » et de l’exposition « Vingt jeunes peintres de tradition française », organisée sous l’Occupation, par le peintre Jean Bazaine et l’éditeur André Lejard, à la galerie Braun, à Paris.

Léon Gischia, après Meurtre dans la cathédrale, conçoit les costumes et les éléments scéniques d’une trentaine de spectacles d’Avignon et du TNP. Il accompagne par la suite Vilar dans ses mises en scène de théâtre lyrique (Gerusalemme, Les Noces de Figaro).

« Un arbre pour la forêt ; une colonne pour le temple ; un fauteuil pour la salle du trône (avec, peut-être, un bout de tissu dessus) ; un mobile de Calder, noir et argent, pour l’orage… C’est cela le véritable décor », écrit-il en 1954, pour résumer son style dépouillé.

Son travail préparatoire consiste à dessiner d’abord chaque personnage en couleur, de la dimension d’une carte à jouer, puis de les rassembler en fonction de leur rencontre dans le spectacle, de les modifier si besoin est, afin d’obtenir sur scène un ensemble harmonieux.

Mario Prassinos est d’abord connu pour ses fameux cartonnages de la NRF, dont il relie, entre autres, les œuvres de Roger Martin du Gard, Albert Camus et Saint Exupéry. Il participe à la Semaine d’Art en Avignon, pour les costumes de Tobie et Sara. Plus tard, il réalise ceux de Macbeth – au TNP et à la Scala – et d’Erik XIV.

Édouard Pignon, intime de Picasso, crée ses premiers décors et costumes pour Shéhérazade au Festival d’Avignon 1948, puis ceux de Mère Courage, La Nouvelle Mandragore, Ce fou de Platonov et On ne badine pas avec l’amour, pour le TNP.

Gustave Singier, dernier arrivé, réalise durant l’année 1960 les costumes et décors de L’Heureux Stratagème, Turcaret et Antigone.

Les peintres Roger Chastel et Alfred Manessier ont également travaillé pour Vilar. Tous ont vu leurs maquettes prendre forme sur scène, grâce aux costumiers Alyette Samazeuilh et Henri Lebrun.

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