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1951

Une troupe de comédiennes et de comédiens

Le chef de troupe doit bien prendre conscience que son art est le plus complexe qui soit. Il ne remue pas une matière inerte, comme le peintre ou le sculpteur. Il travaille sur des êtres vivants, souvent indociles, capricieux (et ce sont souvent les meilleurs interprètes) ayant leur vie et leur volonté propres, une compréhension, un langage personnel. Son travail est fait d’improvisations et de rabâchage quotidiens. Une scène bien jouée est toujours une scène très répétée. Il est un poète qui doit user des méthodes de l’instituteur. Il est un bourreau qui martyrise des êtres qu’il aime et qui le torturent de leur incompréhension.

Jean Vilar, « Un chef de troupe, des poètes et des comédiens nouveaux », 1937, Le théâtre service public

Lorsqu’il est nommé directeur du TNP, Jean Vilar est tenu d’engager une compagnie.

Il s’appuie sur un groupe de comédiennes et de comédiens qui ont collaboré à Avignon au cours des cinq premières années. Parmi eux, Monique Chaumette, Charles Denner, Lucienne Le Marchand, Jean Leuvrais, Jeanne Moreau, Jean-Paul Moulinot, Gérard Philippe et Françoise Spira sont mentionnés dans la lettre qu’il envoie à Jeanne Laurent, en août 1951.

Maria Casarès, sa partenaire au théâtre, y apparaît aussi mais n’intégrera la troupe qu’en 1954.

La troupe permanente est composée de 20 à 30 comédiens. D’autres sont engagés temporairement, pour compléter la distribution de chaque pièce. Ils reçoivent un salaire fixe mensuel et un cachet par représentation.

Quelques-uns ne sont appelés que pour un rôle emblématique, telle Germaine Montero, seule comédienne capable de chanter les textes de Paul Dessaù, dans Mère Courage.

Certains se voient confier des mises en scène : Jean-Pierre Darras, Roger Mollien, Daniel Sorano, Georges Wilson, etc. ; seulement des hommes, malgré le talent de comédiennes, aperçues plus tard à la tête de théâtres – Françoise Spira accueille Vilar à l’Athénée, Sylvia Monfort crée le « Carré Thorigny », dans le Marais.

D’autres deviennent de grandes vedettes du cinéma : Michel Bouquet, Charles Denner, Jeanne Moreau, Philippe Noiret, Jean-Louis Trintignant, etc.

Tous sont les interprètes du ‘‘style TNP’’ : au service de l’auteur, il est avant tout sincère et ne supporte pas le cabotinage et l’effet gratuit ; il refuse le vedettariat, ce qui donne une importance égale aux petits rôles.

Les comédiens sont soumis aux exigences de lieux théâtraux comme la Cour d’honneur et Chaillot. Leur présence sur scène doit être forte et immédiate, aussi bien dans la clameur du verbe que dans le silence du geste.

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