L’idée de poète qui fut l’étincelle créatrice du Festival d’Avignon en 1947 est devenue une machine à la fois infernale et magique, dépassée par son embonpoint mais capable de voler comme plus léger que l’air. Vilar se disait apprenti sorcier lorsqu’il observait l’augmentation régulière, année après année, du public du Festival : où s’arrêterait cet engrenage du succès, ce piège de la gloire qu’il avait recherchée tout en la redoutant ?
La grandeur et la servitude de l’art théâtral est de mourir avec son public. Mais l’œuvre de Vilar n’est pas éphémère et elle continue longtemps après la disparition des témoins bouleversés par une équipe inouïe emmenée par Gérard Philipe. Ensuite, les directions se sont succédé, en dialogue ou en opposition avec une politique culturelle nationale qui est comme une marque de fabrique de notre pays. Les ministres ne peuvent esquiver cette fête de l’esprit à qui il arrive de se muer en contestation idéologique (1968) ou en crise sociale (les intermittents : 2003, 2014). Dépassant le cadre des coulisses, « Avignon » est devenu un phénomène qui interroge puissamment notre société contemporaine alors même que le spectacle vivant ne concerne qu’une partie relativement faible de la population.
C’est cette « présence » de Jean Vilar, son utopie et ce qui la poursuit 67 ans plus tard que nous vous invitons à découvrir à travers une installation progressive – traduction aussi correcte que possible de work in progress : en effet, tout au long de l’année, nous augmenterons le contenu de l’exposition, enrichirons notre propos d’archives renouvelées, affinerons notre analyse des liens indémêlables du théâtre et de la société – de 1947 à nos jours. Car Avignon c’est notre histoire, celle d’un rêve que nous faisons tous.
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