Pour moi, il a toujours été là. Je ne crois pas qu’il m’ait fait – en 12 ans – un seul compliment sur mon travail. Je ne crois même pas qu’il était intéressé par ‘‘mes’’ photographies. En fait, à ses yeux, j’étais une collaboratrice modeste. Mais il m’a tant appris que j’ai toujours accepté cela, sur la morale du créateur de spectacle dans sa volonté de ‘‘démystifier le théâtre-bijou, objet de luxe’’ et de faire un théâtre populaire sans démagogie.
Agnès Varda, exposition « Agnès Varda, Jean Vilar », 1981
Agnès Varda passe son adolescence à Sète. Quand elle entend parler de Vilar pour la première fois, il est le fiancé d’une voisine, Andrée. Puis elle les revoit, mariés, dans une chambre de bonne, quai des Grands Augustins à Paris.
À partir de La Fontaine aux Saints au Théâtre Lancry en 1942, Varda suit et admire son travail, en amie de la famille, puis en photographe.
C’est à Avignon, qu’elle commence, en 1948, avec son Rolleiflex d’occasion. Tout en découvrant le théâtre de plein air, l’ambiance du travail collectif et la direction d’acteur de Vilar, elle apprend son métier aux côtés de Mario Atzinger, premier photographe du Festival.
De son propre aveu, ses premières images sont souvent floues. C’est le cas de la main de Vilar, jouant Richard II, à genoux, le regard pathétique sous sa couronne et le bras levé en signe d’impuissance.
Très vite, elle fait poser les comédiens, ne les prend jamais pendant les représentations. L’image de Gérard Philipe en Prince de Hombourg, debout, tout de blanc vêtu, la couronne de lauriers à la main, s’avançant comme un fantôme romantique sous les feuillages du cloître du Palais où elle l’a entraîné, est l’une des photos les plus emblématiques de l’âge d’or du Festival.
Il y a aussi des photos du quotidien et des répétitions de travail, pas du tout posées, qui immortalisent les joies, les doutes et la jeunesse d’une troupe – celle de Vilar et Philipe assis sur les bancs de la Cour, comme des étudiants attentifs, l’un grave sous son bob, l’autre avec son visage innocent ou celle de toute la troupe souriante, la photo de famille d’un été d’Avignon.
Varda aide de beaucoup d’autres façons. Ainsi, un jour, elle joue de la guitare, sous le plateau, pendant le monologue de Richard II dans le cachot.
Photographe officielle du TNP, de 1951 à 1960, Varda n’a pas d’autre prétention que de faire des archives des spectacles, en immortalisant les dessous du plateau, les constructions, les décors nus, les maquettes des costumes et des installations. Ses photos illustrent la presse, les programmes et la « Collection du Répertoire ».