En 1941, Jean Vilar rencontre André Clavé : ce jeune animateur dirige La Roulotte, un groupe théâtral fondé en 1931, composé de lycéens épris d’art dramatique. Vilar y est engagé comme auteur.
Très vite, il est sur scène. Lors de sa première tournée en Anjou (25 août – 7 septembre 1941), il monte sa pièce, La Farce des filles à marier. Le spectacle est donné en lever de rideau du Georges Dandin de Molière. Il le joue aux côtés de François Darbon et Jean Desailly, rejoints par André Clavé et Hélène Gerber.
En avril 1942, Vilar décroche son premier rôle principal, Martin Doul, dans La Fontaine aux saints de Synge, au Théâtre Lancry, dans le VIIe arrondissement de Paris. Elle est reprise, lors d’une tournée dans le Morbihan (3 juillet – 31 octobre 1942), en alternance avec Il ne faut jurer de rien de Musset et Les Aventures de Trébuchard de Labiche.
À cette époque, Vilar tient un journal de bord. Au descriptif des immuables rituels quotidiens – départ, arrivée dans une bourgade, un village ou une grande ville, préparatifs de la représentation du soir -, il ajoute des remarques personnelles concernant le jeu des comédiens, le rythme des pièces, les conditions scéniques et les réactions du public. Chaque déplacement prend l’allure d’une épopée : en train ou à bord des cars, les glaces latérales sont recouvertes de grandes affiches des spectacles. Dans les rues, c’est la parade !
De la salle de cinéma aux tréteaux de plein air en passant par le petit théâtre, le chapiteau de cirque, voire les tables de bistrot, la troupe multiplie les contextes de représentation. Le public est composé de petits commerçants, d’ouvriers et de paysans : autant de spectateurs qui découvrent le théâtre pour la première fois.
Au printemps 1943, la compagnie est suspendue pour faits de guerre.
Après l’apprentissage chez Dullin, ce fut ma plus grande leçon. Jouer dans une cour d’auberge, dans une salle de bal, dans un théâtre de patronage, dans un hall d’hôtel et parfois sur une scène, quelles servitudes provocantes. J’y ai appris à me débarrasser de tout ce qu’avait le théâtre français de parisien. J’en ai tiré plus tard bénéfice quand j’ai pris la direction du TNP ou créé le Festival d’Avignon.
Propos et confidences, mars 1970