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1958

Tournée en Amérique du Nord

J’aime les hauts édifices. J’aime les buildings.

Voilà pourquoi je suis devenu dès la première heure un amant de Manhattan. Je ne le cache pas. J’ai caché des amours, je les ai tus, je les ai tués. Eh bien, à l’égard de Manhattan, il n’est pas question que je galvaude cet amour, ou le trahisse ou le cache.

Je suis un amant de Manhattan. Je voudrais que tout le monde le sache. Mais ce n’est pas possible. Eh bien, j’en souffrirai éternellement jusqu’au jour où Dieu me touchera de sa dextre et où je pourrais lui murmurer :

‘‘Mon Dieu, pourquoi ne m’as-tu pas fait naître manhattanien ?’’

Les amours de ce genre, on le sait, ça ne se raisonne pas.

Jean Vilar, « Manhattanien », 1959

Le premier voyage transatlantique du TNP se fait au Canada, en 1954. Trois ans plus tard, c’est au tour de l’Amérique du Sud – Brésil, Uruguay, Argentine, Chili, Pérou – de l’applaudir.

En 1958, la tournée visite d’abord le Canada, à Montréal et à Québec, du 22 septembre au 11 octobre, pour 21 représentations. Elle se rend ensuite aux États-Unis, du 14 octobre au 10 novembre, sur Broadway puis dans des villes universitaires – Philadelphie, Washington, Princeton et Boston –, pour 32 représentations.

Aux États-Unis en particulier, la critique et le public ne sont pas spécialement impressionnés par l’esthétique TNP comme l’étaient les Soviétiques. C’est surtout le jeu d’acteur qui retient leur attention, particulièrement celui des trois vedettes Gérard Philipe, Maria Casarès et Jean Vilar. Philipe est loué pour sa voix intensément dramatique et sa manière de bouger. Casarès – qui interprète pour la première fois le rôle de Chimène à ses côtés – pour sa capacité à passer du registre léger au registre tragique, dans Le Triomphe de L’amour et Marie Tudor. Vilar est applaudi à la fois pour ses talents de metteur en scène et son interprétation de Don Juan.

La représentation du Cid, le 10 novembre, a lieu dans le cadre prestigieux du siège de l’ONU.

La tournée en Amérique du Nord est le dernier grand voyage du TNP. Les disparitions de Gérard Philipe et de Daniel Sorano d’une part, le départ de Maria Casarès d’autre part, particulièrement demandés dans les distributions des tournées, contribuent à leur ralentissement – il n’y a aucune grande tournée en 1959 et en 1962, la dernière a lieu en URSS en 1961.

Après la démission de Vilar, le TNP ne fera plus aucune tournée à l’étranger, ce qui n’empêchera pas Vilar d’y partir à plusieurs reprises avec sa propre troupe privée – en Israël en 1963, en Afrique en 1966 et en URSS en 1967 puis en 1971.

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