Marcel Jacno
Il y a plus de trente ans, disparaissait Marcel Jacno. Il y a plus de trente ans, la toute jeune Maison Jean Vilar lui rendait hommage en exposant ses réalisations pour le TNP. Il y a plus de soixante ans, Raoul-Jean Moulin, critique d’art pour le magazine Les lettres françaises, titrait un article « Connaissez-vous Jacno ? Imagier de notre temps ». La même question pourrait être posée aujourd’hui. Et il suffirait de montrer certains de ses travaux pour entendre : « Mais oui, évidemment ! C’est lui… Jacno ? J’adore ! » Parce que ses créations, ses objets sont entrés dans nos poches, nos maisons, nos rues, nos vies ou plutôt celles de nos parents, de nos grands-parents et par naturelle propagation, dans les nôtres.
Il y a plusieurs Jacno chez cet artiste de toutes les compositions.
Il y a Jacno, l’homme de caractères.
Graphiste, typographe amoureux des lettres, il a dessiné des alphabets pour nombre de projets qu’il menait. Certains restent inédits mais les plus célèbres ont fait les beaux jours des réclames de magazines, des programmes de cinéma et de théâtre, comme le Film, le Scribe, le Jacno ou le Chaillot créé pour le TNP.
Il y a Jacno, l’homme qui s’affiche.
À la fin des années 1920, Jacno travaille pour le cinéma. Il signe des affiches pour des films de Charlot, La Valse de l’adieu avec Marie Bell et Pierre Blanchar, Loulou de Pabst qu’il charbonne du célèbre visage de Louise Brooks. À cette époque, Jacno a déjà exercé son talent de dessinateur en illustrant de caricatures les articles que son ami d’enfance, Pierre Lazareff, écrivait pour le journal Le Soir. Au cours des années 1930, il commence à travailler pour le théâtre. Il compose affiches et programmes pour le théâtre des Ambassadeurs, l’actuel Espace Cardin. Mais c’est en 1951 que lui sera donné la possibilité d’exercer pleinement son remarquable talent. Il rencontre Jean Vilar qui lui demande de signer l’image de marque de son tout nouveau Théâtre National Populaire.
Fort du succès de son apport à la notoriété du TNP à Chaillot ou à Avignon, il continuera de contribuer à l’identité visuelle de nombreux autres grands théâtres parisiens comme l’Alhambra, le Théâtre des Nations, l’Opéra, la Comédie-Française, le TEP, l’Athénée Louis Jouvet ou les Bouffes du Nord…
Il y a Jacno, l’homme qui emballe.
C’est pour le plaisir que Jacno commence à créer des emballages pour la Seita dans les années 1930. Et c’est en 1935 qu’on lui demande d’actualiser le paquet de Gauloises. Il en finalisera le graphisme et le conditionnement en 1947. Usage peu commun à l’époque mais géniale intuition, il le signe. Ce qui lui vaudra de devenir, comme il le dit lui-même, le « recordman des multiples » puisque par ce simple paquet, sa signature est alors imprimée à un milliard et demi d’exemplaires par mois. Emballage, conditionnement, flaconnage, Jacno travaille au fil des ans pour des marques prestigieuses : les parfums Revillon et Guerlain ou les cosmétiques Harriet Hubbar Ayer, les alcools Courvoisier et Cinzano pour lesquels il fait, comme à chaque fois, de nombreuses recherches plastiques. Parfois, après de nombreuses esquisses, un geste simple résout la demande. Il lui suffit d’agrandir le Z central de Cinzano pour donner à son étiquette rouge et bleue le rythme visuel impertinent qu’on lui connaît encore.
Il y a Jacno, l’homme à la page.
De la typographie, découle naturellement pour Jacno, la mise en page.
Ce domaine loin de lui déplaire est celui de la contrainte : clarté, rythme, identité et comme toujours composition.
Il fait la mise en page complète de nombreux ouvrages. C’est le cas de La Bible du Club bibliophile de France sur laquelle il travaille pendant quatre ans.
Pour Chanel, Lip, il met en page des encarts publicitaires pour les magazines.
Il conçoit la formule de L’Observateur, de France soir et la manchette des journaux Ici Paris, Radar ou Détective. Il compose, par ailleurs, la ligne d’ouvrage de nombreuses revues de théâtre, ainsi que des sigles, labels et jaquettes de livres pour des maisons d’édition : Julliard, Denoël, Pierre Horay, Hachette. Certaines de ces jaquettes sont entrées dans l’histoire de la littérature comme la couverture aux filets verts de Bonjour tristesse de Françoise Sagan, publié en 1954.
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