Tourner un film sous la direction d’un metteur en scène me procure une sorte de décontraction. On essaie de suivre les indications. On s’identifie le plus possible au personnage qui nous a été confié. Ce sont là nos seules responsabilités tandis que le metteur en scène en a bien davantage. En ce qui me concerne, je crois être très obéissant.
Jean Vilar, L’Humanité, 26 avril 1971
Dans un bistro du quartier de la Chapelle, un homme est assis à une table. Face à lui, son Destin apparaît sous les traits d’un clochard, le visage mangé par une barbe de huit jours. Sur sa tête, un feutre usagé ; autour du cou, un grand foulard de laine. Portant un harmonica à sa bouche, il entonne les notes d’un air déjà connu, que l’homme attablé se met à fredonner de concert : Les feuilles mortes.
Cette scène est tirée du film Les Portes de la Nuit de Marcel Carné, écrit par Jacques Prévert, sorti en 1946. Aux côtés de Pierre Brasseur, Yves Montand, Nathalie Nattier et Serge Reggiani, Jean Vilar y fait ses débuts cinématographiques, sous les traits du Destin.
Entre 1946 et 1971, il apparaît au générique de 15 films, ce qui n’en fait pas à proprement parler un homme de cinéma, ses rôles n’ayant pas marqué son histoire.
Trop accaparé par le TNP, il doit en outre décliner beaucoup de propositions, ne faisant qu’une exception pour son ami Gérard Philipe, réalisateur de Till l’Espiègle, en 1956.
Cependant, le cinéma intéresse Vilar : il le fait entrer au Festival d’Avignon dès juillet 1951, avec un court-métrage le montrant aux côtés de Philipe et Françoise Spira lors d’une répétition en plein jour du Cid. En 1956, c’est au tour du réalisateur Georges Franju d’y présenter un court-métrage documentaire, autour de l’activité du TNP.
En 1967, le cinéma entre dans la programmation du Festival comme discipline artistique à part entière, au même titre que le théâtre et la danse. La Chinoise de Godard est projetée dans la Cour d’honneur. Mais ce sont les Rencontres cinématographiques, animées l’année suivante par Jacques Robert, qui permettent au septième art d’y occuper une place très importante. Chaque été, plus d’une centaine de films du répertoire et réalisés durant l’année sont projetés dans deux salles de la ville et dans la Cour. Avignon devient à cette occasion le nouveau rendez-vous des cinéphiles.
Filmographie de Jean Vilar :
1946 – Les Portes de la Nuit, de Marcel Carné.
1947 – Les Frères Bouquinquant, de Louis Daquin.
1947 – Les Requins de Gibraltar, d’Émile Edwin Reinert.
1947 – Carrefour du crime, de Jean Sacha.
1948 – Bagarres, d’Henri Calef.
1948 – Les Eaux troubles, d’Henri Calef.
1949 – La Ferme des sept péchés, de Jean Devaivre.
1949 – La Soif des hommes, de Serge de Poligny.
1950 – Justice est faite, d’André Cayatte.
1950 – Casabianca, de Georges Péclet.
1951 – Jocelyn, de Jacques de Casembroot.
1951 – Avignon, bastion de la Provence, de James Cuenet.
1956 – Les Aventures de Till l’espiègle, de Gérard Philipe.
1956 – Le Théâtre National Populaire, de Georges Franju.
1970 – Des Christs par milliers, de Philippe Arthuys.
1971 – Raphaël ou le débauché, de Michel Deville,
1971 – Le Petit matin, de Jean-Gabriel Albicocco.