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1947

Semaine d’Art en Avignon

La bonne chance voulut que tout naquît d’une rencontre avec le poète.
Jean Vilar, vingt ans de festival, 1966

Dans une lettre du 12 décembre 1946, René Char écrit à Jean Vilar : « Il serait urgent que je vous voie, mais êtes-vous à Paris ? J’ai écrit le scénario et les dialogues d’un film qui sera tourné au printemps dans des conditions sérieuses ».

Après l’avoir apprécié dans Les Portes de la nuit, le poète songe à Vilar pour un rôle dans Le Soleil des eaux. Ce film ne se fera pas, mais c’est l’occasion de le mettre en relation avec les producteurs Yvonne et Christian Zervos.

Ce couple de marchands d’art est en train de préparer pour Avignon et la Grande Chapelle du Palais des Papes une exposition d’art moderne, avec des œuvres de Picasso, Léger, Chagall, Calder et Giacometti. Souhaitant accompagner l’événement de concerts de musique française et d’une représentation théâtrale dans la Cour d’honneur, il propose à Vilar d’y donner Meurtre dans la cathédrale, son dernier succès parisien.

À une énième reprise en province, Vilar préfère miser sur trois créations. Or, les Zervos ne peuvent financer seuls un projet d’une telle envergure : il nécessite le soutien financier de la Ville d’Avignon, du Ministère, du Cercle d’Échanges Artistiques Internationaux, auquel s’ajoute un apport personnel de Vilar.

Prémices du futur Festival, La Semaine d’Art en Avignon se déroule ainsi du 4 au 11 septembre 1947. Vilar met en scène Richard II dans la Cour d’honneur, ainsi que la pièce inédite du jeune écrivain Maurice Clavel, La Terrasse de midi, au Théâtre municipal. Il confie la mise en scène de L’Histoire de Tobie et Sara à Maurice Cazeneuve, au Verger Urbain V.

Pour l’accompagner dans cette nouvelle aventure, Vilar peut compter sur des comédiennes et des comédiens qui le suivent depuis des années – Maurice Coussonneau et Jean Négroni –, rejoints par Béatrix Dussane, Germaine Montero, Alain Cuny, et de jeunes révélations – Silvia Monfort, Michel Bouquet et Jeanne Moreau. Parmi les collaborateurs, il retrouve le peintre Léon Gischia et fait la connaissance de Mario Prassinos.

Coller des affiches, distribuer des prospectus et monter la scène lui rappelle les tournées de La Roulotte. Il peut aussi compter sur les forces vives locales : l’architecte Georges Amoyel dresse les plans d’aménagement de la Cour ; le régiment du 7e Génie installe la scène, faite de madriers de pontons, de rails et de bidons ; l’électricien André Saquet fournit les projecteurs et le jeu d’orgue ; l’antiquaire Noguès des accessoires ; l’Auberge de France nourrit tout ce beau monde, logé à l’hôtel ou chez l’habitant. Ce sont les débuts informels du futur Festival !

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