Le 25 juillet 1948, les projecteurs dessinent une immense guillotine sur les murs de la Cour d’honneur. Le décor virtuel accompagne La Mort de Danton, qui entre en résonance avec un épisode de la Révolution préfigurant la Terreur : le Massacre de la Glacière, perpétré à quelques mètres seulement, à l’intérieur-même du Palais des Papes, en octobre 1791.
Si, en 1948, l’ombre de la guillotine impressionne, la pièce passe relativement inaperçue, les critiques étant encore frileux à l’idée de descendre jusqu’à Avignon. On émet pourtant déjà des doutes sur la représentation que fait Vilar d’un peuple avide de vin et de sang. Ce débat est repris avec virulence en 1953, au TNP.
La pièce est jugée antirévolutionnaire, à cause du « Vive le roi ! », proclamé par Lucile Desmoulins. Mais c’est surtout cette représentation du peuple, par un théâtre qui se dit populaire, qui ne passe pas. Le traducteur de la pièce, lui-même, s’en émeut auprès de Vilar :
Il est absolument impossible de jouer devant un public populaire, en laissant à toute la foule, sans exception, le caractère que vous lui avez donné, ou plutôt, j’en suis sûr, que les acteurs ont adopté, sans doute insensiblement. Je m’excuse de vous parler ainsi, mais c’est notre intérêt à tous, y compris celui de Büchner. Des amis, des critiques appartenant à des clans très divers (communistes, gens de gauche, « sans parti »), m’ont tous confirmé que si la foule reste ce qu’elle était l’autre soir, la pièce sera classée comme réactionnaire…
Arthur Adamov
Vilar défend sa mise en scène et le jeu de ses acteurs, en plaidant contre ce refus d’accepter une certaine vérité concernant la Révolution :
Ai-je réussi à imposer La Mort de Danton en France ? La tête farcie de fausses idées ou de beaux sentiments sur la Révolution et les révolutionnaires, sur cette aurore des libertés, le public français se refuse à voir la réalité, le réalisme de 93 et 94. Ne touchez pas à la pureté du peuple révolutionnaire. Comme si l’histoire n’avait jamais été pire !
Mémento, 30 avril 1954
La Mort de Danton
De Georg Büchner (1835)
Création le 15 juillet 1948, Cour d’honneur du Palais des Papes d’Avignon.
Adaptation Arthur Adamov
Mise en scène Jean Vilar
Costumes Léon Gischia
Musique originale Georges Delerue
Musique hymnes et chants du XVIIIe siècle
Assistant à la mise en scène Maurice Coussonneau
Régie plateau Jean-Jacques de Kerday
Régie lumières Jean Jacob
Accessoires Valentine Schlegel
Réalisation des costumes Alyette Samazeuilh et Henri Lebrun
Avec Claude Aburbé (premier monsieur/Fouquier-Tinville), Marc Andrieux (député/mendiant/geôlier), Roger Aubry (1er citoyen), Yves Brainville (Philippeaux), Jacques Buttin (Héraut de Séchelles), François Chaumette (député/Collot d’Herbois/2ème charretier), Maurice Coussonneau (soldat), Jean Davy (Danton), Monique Drake (mère d’Eugénie, 2ème citoyenne), Marguerite Duboscq (femme de Simon, 1ère citoyenne), Elisabeth Hardy (Lucile Desmoulins), Raymond Hermantier (Simon/1er chanteur), Robert Hirsch (député/Barère/chanteur), Jean-Pierre Jorris (Camille Desmoulins), Jean-Jacques de Kerday (deuxième monsieur), Pierre Lautrec (député/Herman/jeune homme), Christiane Lenier (Marion), Pierre Leproux (2ème citoyen), Bernard Lipp (député/Billaud-Varennes), Simone Lointier (Rosalie), Silvia Monfort (Julie Danton), Jean-Paul Moulinot (Lacroix), Jean Négroni (député/Saint-Just), Bernard Noël (député/lyonnais), Léone Nogarède (Eugénie), Victor Pescin (3ème citoyen/2ème bourreau), Gilbert Robin (Fabre d’Églantine/Paris), Françoise Spira (Adélaïde/3ème citoyenne), Jean-Jacques Steen (Legendre/député/1er bourreau) et Jean Vilar (Robespierre).
4 représentations, 2 294 spectateurs
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Création le 14 avril 1953, Palais de Chaillot (Paris)
Scénographie Camille Demangeat
Avec Lucien Arnaud (Paris), Laurence Badie (Eugénie), Nicolas Bataille (Fabre d’Églantine), René Belloc (1er Monsieur), Michel Bouquet (Saint-Just), Zanie Campan (Rosalie), Monique Chaumette (Lucile), Laurence Constant (Adélaïde/une dame), Maurice Coussonneau (soldat), Paul Crauchet (Billaud-Varennes), Jean-Pierre Darras (Barrère/un mendiant), Jean Deschamps (Hérault de Séchelles), Gabriel Gascon (valet de Danton), Élizabeth Hardy (Julie), Daniel Ivernel (Danton), Jean-Jacques de Kerday (2ème Monsieur), Lucienne Le Marchand (femme Simon), Jacques Le Marquet (bourreau), Jean Leuvrais (Collot d’Herbois), Georges Lycan (Legendre), Roger Mollien (Camille Desmoulins), Jean-Paul Moulinot (Lacroix), Philippe Noiret (citoyen Noiret), Guy Provost (Fouquier-Tinville), Paul Renty (Philippeaux), Georges Riquier (Hermann), André Schlesser (valet de scène/chanteur ambulant), Daniel Sorano (Citoyen Ergo), Étienne de Swarte (député) et Jean Vilar (Robespierre).
49 représentations, 66 744 spectateurs (1953-1960)