Jean Vilar, est lié à l’État par un cahier des charges qui fait de lui le « Directeur du Théâtre National Populaire et Concessionnaire de la Salle du palais de Chaillot ». Il doit le respecter pour bénéficier d’une subvention annuelle d’environ 50 millions d’anciens francs – faible somme comparée aux 450 millions de la Comédie-Française et au milliard de l’Opéra.
Vilar garde la responsabilité financière totale de son affaire, en prélève les bénéfices éventuels, mais en subit par contrecoup les déficits possibles. S’il y a faillite, il est renvoyé. L’État ne couvre aucune de ses dettes.
Avec cette subvention, Vilar doit assurer 200 représentations par an – l’essentiel de l’activité se fait à Chaillot, soit environ 120 représentations, le reste en province et à l’étranger.
Il doit aussi créer quatre à six œuvres nouvelles au cours de la saison, faire vivre décemment une équipe permanente de comédiens – dont une partie est engagée parmi les élèves du Conservatoire – et assurer le salaire de 130 employés.
Il achète tout le matériel nécessaire à l’exploitation du TNP. L’État en est le propriétaire, Vilar ne peut pas, en principe, le récupérer à la fin de son mandat.
Les prix des places sont fixés par arrêté ministériel : de 100 à 400 anciens francs – ceux des théâtres parisiens, y compris la Comédie-Française et l’Opéra, oscillent à l’époque entre 200 et 1 200 anciens francs.
Le cahier des charges ? Après l’avoir lu et relu, j’en ai eu peur, moins peur, puis à nouveau, j’ai éprouvé des craintes. Une sorte de froid dans le dos. Bigre, s’enchaîner !
Lettre à Jeanne Laurent, 20 août 1951
Malgré toutes ces contraintes, des contreparties existent et font que Vilar ne peut refuser de signer ce cahier des charges.
L’État lui laisse le soin de choisir les œuvres à inscrire au répertoire du TNP. Ainsi, il présente de grands classiques français – L’Avare, Le Cid, Le Mariage de Figaro, etc. –, crée des œuvres étrangères – Richard II, Le Prince de Hombourg, La Mort de Danton, etc. – et ouvre les portes des théâtres à des auteurs modernes français – Claudel, Gatti, Pichette, etc. – et étrangers – Brecht, T.S. Eliot, O’Casey, etc.
Il est libre de recruter à sa convenance les comédiennes et les comédiens de sa compagnie.
Surtout, l’État lui permet d’avoir son propre théâtre à Paris et d’établir le programme des tournées. Comme un symbole, le premier pays étranger visité par le TNP, en décembre 1951, est l’Allemagne, avec Le Cid.