Elle aurait cent ans. Il aurait le même âge.
Elle et lui, enfants terribles des planches de l’après-guerre, enfants de paradis des écrans de la libération, ils sont les idoles d’une jeunesse qui a connu toutes les privations, une jeunesse avide de modernité, éprise de liberté. Elle et lui se sont prêtés à toutes les expériences nouvelles : la poésie profane d’Henri Pichette, la tragédie moderne de Camus, la grande aventure populaire du TNP avec Jean Vilar.
Maria, la brune galicienne aux yeux verts a connu l’épreuve de l’exil. Est-ce pour cela qu’elle a incarné si souvent celles qui aiment sans retour, les femmes mélancoliques, les reines meurtrières, les princesses des ombres ?
Gérard, l’insouciant jeune homme que les fées ont comblé ne s’est pas satisfait de dons trop évidents. Au-delà des figures angéliques auxquelles il était promis, il s’est risqué à des incarnations plus tourmentées. Les princes écorchés, les amants cyniques, les hommes vulnérables côtoient dans sa carrière les héros bondissants et les amoureux romantiques.
Elle et lui se sont rencontrés très jeunes, ils se sont fréquentés, perdus et retrouvés. Au fil des rendez-vous artistiques, ils ont tissé une fraternité, une amitié amoureuse qui trouve un de ses termes avec la mort soudaine de Gérard. Suivie, quelques semaines après, par celle de Camus.
Alors que certains les ont tant aimés, les ont vu jouer et adorés, alors que d’autres les connaissent à peine et peut-être pas encore… Comment leur rendre hommage ? Comment évoquer leur parcours artistique, intellectuel, politique ? Comment rendre compte de leur art, de leur diction magnétique, de leur regard somnambule, de leur gestuelle vacillante, de leur insolente beauté ?
Comment révéler ces instants d’éternité à notre « âme collective » ?
Comment réveiller nos beaux au bois dormant ?
Comment les remercier…
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